16 mars 2012

Projet d'envergure, projet d'ouverture....

Le 10 mars 1913, Camille Claudel (1864-1943) est internée à l’hôpital de Ville-Evrard près de Paris suite au conseil de famille qui avait réuni Mme Louise Athanaïse Claudel et Paul Claudel. Le 7 septembre 1914, Camille Claudel est transférée à Montdevergues, asile public d’aliénés dans le sud de la France près d’Avignon alors que la grande guerre fait rage. Un internement « définitif », voulu par la mère, s’ouvre sur trente années d’exil.

70 ans après la mort de Camille Claudel, du 30 mars au 2 juin 2013, à partir de la collection particulière de Reine-Marie Paris petite nièce de Camille Claudel qui a largement contribué à ce que sa grande tante sorte de l’ombre, le musée Les Arcades, situé dans le Centre Hospitalier Psychiatrique de Montfavet revisite l’histoire et la renverse pour faire ré-entrer Camille Claudel dans ce lieu historique lors d’une exposition inaugurale. Occasion de replonger dans cette tragédie mais surtout de saluer la grâce d’une œuvre puissante et sensible. Treize œuvres choisies pour leur valeur autobiographique et esthétique prendront place dans ce petit musée dans une mise en perspective d’un parcours thématique où femme, folie et création se juxtaposent au sein même d’une œuvre incarnée. L’exposition « Camille Claudel, De la grâce à l’exil. La femme, la folie, la création », est une exposition orientée par le parcours d’une femme passionnée par son art. Sa main sculpte la matière et la transforme en joyeux pur. La construction scénographique s’oriente de signifiants forts qui symbolisent au plus près le cheminement de cette artiste qui expose dans son œuvre, la sinuosité d’une grâce et les retords d’un exil intérieur. Ces deux substances se conjuguent dans une harmonie sculpturale, lit d’une articulation dialectique et symbolique. Cette femme est à l’œuvre et l’œuvre est cette femme. Le cri sourd qui sort de la bouche tordue du Vieil aveugle chantant emblème de notre exposition, L’implorante agenouillée devant l’infini de sa demande, le corps replié aliéné sur l’horreur d’une jouissance illimitée de La femme accroupie, La Valse dont les corps s’enivrent d’une danse infinie sont autant de traits qui nous amènent à envisager l’œuvre de Camille Claudel comme objet dépositaire d’une vérité. Les corps et les visages qu’elle sculpte sont la représentation d’un art où s’expriment une émotion intense, des élans brisés. Celle femme arpente une solitude vive et dans un temps d’extrême urgence parvient à déposer dans l’interstice des courbes lascives, voluptueuses et torturées  cette part d’intime et les contours d’un réel cru. 

Cette exposition est un hommage posthume fait à la femme et à cette artiste prodigieuse. Mais l’exposition devient pour nous l’occasion par une orchestration pluridisciplinaire de poursuivre un travail de mémoire et d’approcher, au travers d’un projet scientifique et culturel, les différents thèmes que nous inspirent sa vie, son œuvre, sa folie et nous questionnent. Ils s’ordonnent autour de trois axes essentiels soulevés dans le titre de cette exposition : « La femme, la folie, la création ». Colloque, exposition d’œuvres originales des ateliers de la FIAPMC (atelier Marie Laurencin – atelier papier de soi), conférence/débat, création théâtrale des Ateliers de création de « l’Autre scène », « Il était une voix » et enfin « Emouvance » seront les emblèmes de cette création mise à l’honneur, une création toujours en gestation, toujours en devenir. La mise en scène et les représentations de ces groupes théâtre, danse et chant nous montreront que cette danse créative n’a pas de fin et qu’elle peut se jouer infiniment. Nous pensons que dans son ensemble, l’œuvre de Camille Claudel demeure extrêmement contemporaine et ouvre des voies nombreuses sur les chemins d’une création florissante et plurielle. En témoigner, est l’enjeu de cette riche programmation.

Mireille TISSIER
Commissaire d’exposition